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Coke, regrets et histoire littéraire

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Jean-Philippe Martel, qu’on connaît surtout comme critique littéraire et essayiste sur le savoureux blogue Littéraires après tout, signe un premier roman au poétique titre, Comme des sentinelles. Étonnamment, l’univers romanesque du blogueur délirant est d’un réalisme très cru et évoque dans une certaine mesure Fight Club de Chuck Palahniuk, avec ses groupes de soutien où se réunissent des cas désespérés et ses bagarres aux sorties des bars. Mais plutôt qu’une œuvre d’anticipation sociale, il s’agit ici du récit d’une errance individuelle.

Vincent Sylvestre, chargé de cours à l’Université de Sherbrooke de jour, fréquente le soir un groupe de Narcomanes Anonymes, où il se rend avec la passivité cynique qui le caractérise. Cette dernière le rapproche d’un grand nombre de personnages contemporains du roman québécois, à la différence qu’au lieu d’errer sans but sur Saint-Denis ou sur les routes de campagne, ce personnage traîne son mal-être sur la rue Wellington. Le roman est toutefois sauvé d’une certaine banalité par la musicalité de son écriture et la beauté de son style, qui contraste avec l’esthétique légèrement trash qui y règne.

Les frasques éthyliques avec Robert, son étrange compagnon qui lui ouvre le monde des bars sportifs et des pick-ups, sont racontées sur fond de l’histoire littéraire qu’enseigne Vincent sur le pilote automatique à une classe indifférente. Ce contraste est souvent drôle et bien mené, et aura un amusant effet de déjà-vu pour les anciens étudiants ou les profs de lettres, puisque ce roman semble écrit surtout à pour des littéraires. Le récit des deux vies de Vincent Sylvestre est également entrecoupé par des souvenirs d’enfance, des scènes de rupture avec son ex, des extraits de sa thèse inachevée… Pourtant, malgré ces jeux narratifs, le roman demeure le récit conventionnel d’un personnage à la dérive comme on en a lu d’innombrables.

L’auteur possède une maîtrise rare de la langue et son écriture transmet parfaitement le ton désabusé qui caractérise son narrateur. Le traitement de Comme des sentinelles est donc tout à fait réussi, et on a hâte, après la lecture de ce premier roman, de retrouver cette plume à l’œuvre sur un sujet qui soit moins habituel dans le paysage littéraire d’ici.


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